Ces dernières décennies ont été marquées par l’apparition au sein de la sphère publique de parfaits inconnus propulsés au-devant de la scène pour avoir relayé, dans les médias, et souvent dans un contexte de menaces et de pressions, des informations sensibles jugées d’intérêt général. Ces lanceurs d’alerte ou ‘whistleblowers’ (selon le terme anglo-saxon consacré), qui se sont également propagés dans le monde du travail, n’ont pas échappé à l’attention du législateur.
En France, les procédure d’alerte font l’objet d’un encadrement légal dès 2016 avec la loi n° 2016-1691 relative (dite loi « Sapin II ») qui avait créé un régime général en lieu et place des dispositions éparses existant auparavant.
En parallèle, au niveau européen, la directive n° 2019/1937 relative « à la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union » avait été adoptée avec pour objectif principal d’uniformiser les législations des États de l’Union européenne dans ce domaine et d’apporter une protection aux lanceurs d’alerte.
Plus de 2 ans après, elle a finalement été transposée en droit français par la loi n°2022-401 du 21 mars 2022, dite « loi Waserman », puis complétée par un décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022.
Cette loi vient notamment donner une définition plus large et plus précise des lanceurs d’alerte tout en imposant certaines obligations aux entreprises.
En effet, selon la nouvelle définition donnée par la loi, « un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ».
Ainsi, le lanceur d’alerte doit désormais avoir agi sans contrepartie financière, (l’ancienne rédaction prévoyait « de manière désintéressée »).
Par ailleurs, la loi permet à un lanceur d’alerte d’adresser directement un signalement externe soit à l’autorité compétente, au Défenseur des droits, à l’autorité judiciaire ou à un organe européen.
Procédure d’alerte :
La divulgation publique ne peut, quant à elle, intervenir que dans l’un des trois cas suivants :
- En l’absence de mesure appropriée prise après un signalement interne ou externe ;
- En cas de danger grave et imminent ;
- Lorsque la saisine d’une autorité compétente ferait encourir à son auteur un risque de représailles ou ne permettrait pas de remédier efficacement à l’objet de la divulgation.
En outre, la loi impose aux entreprises de plus de 50 salariés d’établir des procédures de recueil et de traitement des signalements conformes aux nouvelles dispositions, selon le support de leur choix, après consultation du CSE.
Il s’agit d’une opportunité pour l’entreprise de se saisir le plus en amont possible du risque afin d’y mettre un terme au plus vite.
Le décret précise que le signalement peut être effectué par écrit ou par oral.
Les personnes ou les services désignés par l’entreprise pour recueillir et traiter les signalements doivent être indiqués dans les procédures internes.
Ces derniers doivent disposer, par leur positionnement ou leur statut, de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de leurs missions. De plus, l’indépendance, l’impartialité et la confidentialité doivent être garantis.
La procédure d’alerte doit ensuite être diffusée par tout moyen assurant une publicité suffisante. Elle peut prendre la forme d’une notification, d’un affichage ou d’une publication sur le site Internet ou par voie électronique.
Aucune sanction n’est prévue si l’employeur ne met pas en œuvre ces procédures. Cependant, sa responsabilité pour manquement à son obligation de sécurité de résultat pourrait être recherchée à défaut de mise en place, donnant lieu à d’éventuels dommages et intérêts.
Les entreprises de moins de 50 salariés doivent, quant à elles, réfléchir à l’opportunité de se doter d’une procédure interne et être sensibilisées sur la nécessité de veiller au respect des garanties légales en matière de protection des lanceurs d’alerte.
En pratique, la majorité des situations concerne des dénonciations relatives au harcèlement, moral ou sexuel, ou de discrimination. Il reviendra donc aux directions des ressources humaines de bien articuler la procédure d’alerte avec les procédures déjà existantes en matière de harcèlement en particulier (enquête interne, référent harcèlement désigné par le CSE).
Pour finir, rappelons que la maladie liée à des situations de harcèlement ou de discrimination en entreprise est encore aujourd’hui considérée comme hors tableau.
Caroline Luche-Rocchia
Avocate Associée – Grant Thornton Société d’Avocats
Islem BERKANI
Avocat – Grant Thornton Société d’Avocats